Une chaire interdisciplinaire

Les travaux de la Chaire s’articulent autour de trois dimensions, comprenant chacune différents axes de recherche. Au fil de l’avancement des travaux, des ponts seront construits entre ces trois dimensions de façon à sortir des silos disciplinaires grâce à un environnement d’apprentissage et de recherche multidimensionnel. La collaboration et l’échange sont au cœur de la Chaire Trottier en transition énergétique, gouvernance et participation.

Axes de recherche

Dimension 1 : La gouvernance anticipative

Sous la responsabilité de Laurence Bherer, cette dimension vise à développer les connaissances sur la mise en œuvre d’une gouvernance anticipative, entendue comme le design d’institutions et d’instruments de politique publique qui utilisent l’anticipation pour préfigurer des futurs incertains afin de guider l'action des gouvernements dans le présent. La gouvernance anticipative, qui s’appuie sur une approche non prédictive, a pour but de renforcer la capacité des gouvernements à éviter ou diminuer les éventuels effets perturbateurs des changements climatiques. Une gouvernance anticipative robuste vise à changer les valeurs et objectifs des autorités publiques et des citoyen(ne)s, inciter les gouvernements à dépasser le court-termisme et développer une capacité prospective. Ce programme de recherche se déploie en 3 axes.

Axe 1 : Développer les institutions pour les générations futures

De plus en plus d’observateur·rices soulignent le besoin de revoir le fonctionnement des institutions démocratiques pour diminuer la « myopie démocratique », entendue comme la tendance à penser à court-terme lorsque vient le temps de prendre une décision publique. Pour y remédier, plusieurs solutions institutionnelles, appelées institutions pour les générations futures, ont été formulées depuis 20 ans. L’objectif de cet axe est de s’interroger sur les institutions représentatives et administratives les plus adaptées pour que les autorités publiques gouvernent pour le long terme.

Axe 2 : Développer des démarches participatives de prospectives et d’anticipation

Les dispositifs participatifs ont aussi un rôle à jouer pour favoriser une gouvernance orientée vers le long terme. L’objectif de cet axe est de recenser, développer et tester des dispositifs de prospective et de futuring, comme les assemblées citoyennes des imaginaires, des ateliers de scénarisation et de constructions de récits, etc., pour évaluer comment les forums participatifs permettent de développer une littératie du futur et une culture de l’anticipation chez les citoyen·nes et les parties prenantes.

Axe 3 : Approches collaboratives, expérimentation et anticipation des politiques publiques

La gouvernance anticipative s’incarne également au sein des administrations publiques, principalement à travers l’expérimentation en politique publique, entendue comme un moyen de tester des innovations afin de générer un apprentissage et d'accroître la capacité des réseaux d'acteurs. Ces innovations peuvent être techniques - comme l'introduction de nouvelles technologies ou de nouveaux matériaux - ou elles peuvent être socialement constituées - y compris les innovations en matière de politiques, de finances, de pratiques ou de normes. L’enjeu est ainsi de négocier au sein des administrations publiques l’expérimentation et d’établir de nouvelles normes et de nouvelles pratiques, à travers une meilleure coordination des apprentissages. La question principale qui anime cet axe est la suivante : quels sont les freins et les leviers dans la mise en place des expérimentations de politiques publiques?


Dimension 2 : La modélisation énergétique au service de la transition

Sous la responsabilité de Michaël Kummert, cette dimension vise à développer des outils de modélisation pour évaluer les scénarios de transition, informer les décisions des différents paliers de gouvernement et informer les citoyen·nes sur les enjeux liés à la décarbonation de la société.

Axe 1 : Transition vers des quartiers urbains durables

L’électrification complète des bâtiments cause des enjeux sérieux de demande de pointe, qui exacerberont les problèmes d’intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique. Mais les quartiers denses présentent aussi des opportunités uniques, notamment pour le partage de chaleur entre les bâtiments, et pour la réduction des besoins en transport individuel. Les normes et critères de performance énergétique des bâtiments permettent également d’explorer les enjeux de justice sociale comme la progressivité des tarifs. Les projets de recherche dans cet axe viseront à développer des outils de modélisation capables de quantifier les bénéfices de la mixité urbaine pour l’efficacité énergétique et la résilience lors de la conception et d’optimiser l’opération des systèmes énergétiques urbains.

Axe 2 : Énergies renouvelables décentralisées dans les territoires et communautés autonomes

Le territoire peu ou pas urbanisé représente un potentiel de production d’énergie décentralisée par la biomasse, l’éolien et le solaire. Il est nécessaire de quantifier ce potentiel, mais aussi d’examiner les différents enjeux environnementaux et de justice associés à l’implantation de ces « minicentrales », alors que l’artificialisation des terres continue à s’accélérer. D’un autre côté, les communautés nordiques isolées alimentées par les réseaux « autonomes » dépendent quasiment entièrement de pétrole importé du Sud pour leurs besoins en électricité et en chauffage. La surpopulation des maisons est un problème crucial, comme les besoins en rénovations et en nouvelles constructions. Il faut donc s’attaquer aux enjeux d’efficacité énergétique, de justice sociale, et évaluer le potentiel de production des énergies renouvelables avec leur problématique propre de résilience (envers le climat mais aussi envers les prix du pétrole). Les projets de recherche dans cet axe viseront à développer des outils pour quantifier et cartographier le potentiel de différentes sources d’énergie sur un territoire donné en prenant en compte les contraintes d’occupation du sol sortant du contexte énergétique et permettre la co-construction de solution énergétiques pour les communautés isolées avec les populations concernées.

Axe 3 : Les industries au cœur de la transition énergétique

Les industries du Québec représentent un « Klondike énergétique » par leurs rejets de chaleur. La valorisation de ces rejets permettrait de décarboner le chauffage de nombreux bâtiments, mais également de serres de production agricole, combinant ainsi transition énergétique et amélioration de l’autonomie alimentaire du Québec. Si on veut réaliser la transition énergétique du secteur industriel, il faut d’abord s’attaquer aux inefficacités des processus eux-mêmes, afin de valoriser une partie de cette énergie au sein même des industries. Il faut ensuite examiner les opportunités de valorisation externes, en accord avec la planification urbaine autour du site industriel. Certaines industries peuvent par ailleurs participer à la transition énergétique en intégrant des énergies renouvelables. Cette transformation nécessite une approche concertée entre expert·es des processus industriels, expert·es des thermopompes, mais également les urbanistes et les milieux récepteurs, afin d’insérer la transition énergétique dans une démarche plus large de transformation vers une société plus durable. Les projets de recherche dans cet axe viseront à développer des outils de modélisation capables d’optimiser l’intégration des énergies renouvelables et des pompes à chaleur dans les processus industriels, de quantifier et caractériser les rejets thermiques et d’évaluer les possibilités de valorisation dans des réseaux de chaleur urbains.


Dimension 3 : Gestion inclusive de la transition

Sous la responsabilité de Emmanuel Raufflet, cette troisième dimension des travaux de la Chaire vise à réfléchir collectivement sur la transition en engageant la population.

Axe 1 : Engager la population autour d’un exercice de réflexion et de vision autour de la transition

La transition énergétique représente un ensemble d’enjeux multidimensionnels qui lient tous les secteurs de la société. En lien direct avec l’axe 2 du volet 1 sur les démarches participatives de prospectives et d’anticipation, cet axe permettra de prendre le recul historique et interdisciplinaire nécessaire à une compréhension approfondie des enjeux, et ce à travers des recherches sur l’énergie et la transition énergétique. Ensuite, il se concentrera sur la réalisation d’un exercice de feuille de route participative autour de la transition énergétique québécoise (FDRTEQ). La démarche consiste en un processus de synthèse des connaissances, de codesign participatif et de rencontres d’experts qui s’enchaîneront de manière séquentielle et planifiée. Cet axe aura pour ambition de rassembler l’ensemble des catégories d’acteurs de la société (partis politiques, municipalités, société civile organisée, acteurs issus du secteur de l’emploi et du travail, économie sociale, associations de consommateurs, grandes entreprises et PME, industrie, recherche, etc.) dans une démarche prospective.

Axe 2. Réussir la transition énergétique grâce à des emplois de qualité et des formations pertinentes

La transition énergétique a des effets sur les emplois, sur la qualité du travail, sur l’évolution des compétences et sur les formations. Les recherches de cet axe viseront à préciser les modalités liées au travail, à l’emploi aux compétences et aux formations en lien avec la transition à partir d’une approche concertée. Des recherches au niveau des emplois, des métiers, des formations dans plusieurs organisations et secteurs macro et micro seront réalisées pour identifier les meilleures pratiques, et d’ainsi informer et co-construire des politiques publiques en lien avec des parcours et des formations pertinentes et de qualité.